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MES DIX DOIGTS 

(Hélène Provost)

Hier après-midi, mon petit doigt m'a dit 

Qu'il voulait voir les choses en grand, devenir important

Son travail de gratteur, aiguise son malheur

Rien que de penser aux oreilles fait ternir son soleil

Prenant son courage à deux mains il cause à ses voisins

Et là c'est le carnage, le doigt dans l'engrenage

Il réalise que sa déprime est en fait unanime

Tous les doigts de la main ayant le même chagrin

Il se défend bec et ongles, il exprime leurs plaintes

Me disant que tous ils jonglent, avec les contraintes

Je me fourrais le doigt dans l'oeil, ignorant ces malheurs

Il est grand temps que j'accueille ce cas de force majeure

Je cesse de me tourner les pouces, me penche sur le sujet

Fini de se la couler douce, des deux mains je m'y mets

Désormais maintes fois, me poserai la question

Sûre d'être à deux doigts d'y trouver solution

Dis moi toi ce que je dois faire de mes dix doigts!

Y'a bien c't'activité, où je fais des prouesses

Je vous l'ai déjà contée, elle ne fait pas bonne presse

Mettre les doigts dans mon nez, me créé des endorphines

Mais c'est mal vu en société, je libère mes narines

J'essaie la cuisine, je mets la main à la pâte

Mais le poil qui poussait là est tombé dans la tarte

Ce n'était pas une bonne idée, je m'en mords les doigts

L'heure n'est pas encore arrivée, de baisser les bras

Alors je croise les doigts, j'espère une découverte

Quand un plan vînt à moi, peut-être ai-je la main verte?

Je plante et gratte la terre, je sors mon huile de coude

Mais je finis sur le derrière, là c'en est trop, je boude

Pour me reprendre en main, je tente un doigt d'honneur

Juste au moment où mon voisin sortait pour faire son beurre

En se sentant visé, il pose une main courante

Me voilà mise à l'index, on me juge inconvenante

Dis moi toi ce que je dois faire de mes dix doigts!

Je mets les pouces, j'arrête, je m'avoue vaincue

Remets les mains dans les poches, on ne m'y reprendra plus

Je me retrouve les bras ballants, doigts de pieds en éventail

Je lâche prise en acceptant que l'oisiveté m'aille

C'est là que tu arrives en un claquement de doigts

Tu allumes et ravives le pouvoir de la joie

Là j'ai les cartes en main, elles deviennent baladeuses

Sur ton clavier, ton soufflet, tes bretelles enjôleuses

Pour finir mon histoire, suffit le bon doigté

Sur tes touches toutes noires, tes boutons nacrés

Tes milles mélodies m'emmêlent mais dis toi

Que j'ai hâte de te connaître sur le bout des doigts

Mes dix doigts sont en ballade partout sur toi!

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LA TISSEUSE DE BONNE AVENTURE 

(Hélène Provost)

Il y a celles qui, filent un mauvais coton

Contre elles s'y pique qui, s'y frotte le menton

Et si par malheur, elles tirent les ficelles

C'est un mauvais quart d'heure et la corde craquelle

Alors on perd le fil, il se noue il s'emmêle

ça fait monter la bile, tel un noeud perpétuel

Une envie d'en découdre, et les nerfs en pelote

Mettre le feu aux poudres, c'est la haine qui mijote

ça ne tient qu'à un fil d'être dans de beaux draps

L'aiguille malhabile qui ne file plus droit

Une maille indocile, une maille à l'endroit

L'existence est textile, le destin entrelacs

à chacun son costume, et son fil de pensée

S'habiller d'amertume n'est pas la panacée

Mais il est rarissime, ce serait un fardeau

Que la vie magnanime se déroule sans accrocs

Tisse, coud, mêle, lie

Rapièce, reprise, fais des ratures

Toile, tresse tes envies

Tisseuse de bonne aventure

Et puis il y a cette autre, celle qui créé du lien

Qui bricole et tricote longs fils d'or et sequins

Elle sait ce qui se trame quand arrive l'hiver

Tapisse les bas de l'âme de velours bleus et verts

C'est son truc elle brode, ce pour panser les plaies

Aller aux antipodes du vil et du mauvais

Défroquer les crapules et les croque-mitaines

Confectionner des pulls et de chauds bas de laine

ça ne tient qu'à un fil fragile et ténu

D'étoffer la joie et d'en faire sa tenue

Et même si quelque fois on en tâche le tissus

L'existence est textile en même temps mise à nu

. . . . . . . . . .

JE M'EPARPILLE 

(Hélène Provost / Mathieu Ramage)

D'être le cul entre deux chaises n'est pas vraiment une sinécure

Jy suis pourtant fort à mon aise, j'ai toujours trouvé ça moins dur

Que d'être obligée de choisir, je prends le tout je prends les deux

Entre un fou pleur et un fou rire, j'ai fait le choix d'être au milieu

J'aime l'addition des petits bouts ça fait de moi un être entier

Messieurs ne soyez pas jaloux, je ne s'rai pas votre moitié

Même quand j'essaie le droit au but

Sans dévier sans perdre le nord

C'est là que naissent les disputes

De mes moi-mêmes en désaccord, alors...

Je m'éparpille c'est délicieux, j'marche à côté de mes godillots

J'me mêle de tout un petit peu et je m'emmêle les pinceaux

Je m'éparpille c'est bon c'est doux, j'marche à côté d'mes bottillons

J'me mêle de tout un peu beaucoup et je m'emmêle les crayons

J'aime le chien j'aime le loup, je goûte la figue et le raisin

Et s'il en faut pour tous les goûts, faut-il vraiment qu'il n'y en ait qu'un?

Ne soyez pas jalouses mesdames, j'ai un secret à vous confier

Je suis de tous temps polygame, je joue en sol, en fa, en ré

Touche à tout pour ne rien en faire, commencer pour ne rien finir

Un cercle tortueux linéaire, qui tourne en rond vers l'avenir 

Même quand j'essaie le droit au but 

Sans dévier sans virer de bord

C'est souvent la peur de la chute

Qui anéantit mes efforts, alors...

Je m'éparpille c'est délicieux, j'marche à côté de mes godillots

J'me mêle de tout un petit peu et je m'emmêle les pinceaux

Je m'éparpille c'est bon c'est doux, j'marche à côté d'mes bottillons

J'me mêle de tout un peu beaucoup et je m'emmêle les crayons

Les p'tits bouts d'trucs, les machins choses

Les bidules qu'on a mis sur pause

Méritent leurs lettres de noblesse

Ce sont des fins non résolues, mais on a fait comme on a pu

On s'est sorti les doigts des fesses

Si ça manque de délicatesse, pour une fin plus en finesse

Bah sortons nous les doigts du cul!

. . . . . . . . . .

LA VILLA LILAS

 (Hélène Provost)

Elle pallie aux lourds lots d'émois, fuyant la lie de ces loups-là

Les trémolos aux creux de sa voix, sans dire mot sur ce qu'elle a

Elle a la peau, l'égo à bas, fait l'écho à la ville en bas

Prendre son lot, dans ces cas-là, allez mollo, mets le holà!

Si un rien l'émeut, le tout la foudroie

Si le tout elle aime, ça la refout droit

Elle se lie à ce qu'elle lit là, les mots jolis, où l'âme est là

Elle loue la villa Lilas, et loue la vie tout se joue là

La mise à l'eau, seule à la fois, la poule d'eau fait le saut là

L'élan folie lui donne le la, allume la vie, la lie s'en va

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PETITS TRAVERS 

(Hélène Provost)

Depuis ce matin tout va de travers, j'ai comme une envie de tourner en rond

Ebouriffée par tous ces vents contraires, amadouée par les déviations

Mais figurez vous, ça m'est bien égal; se laisser retomber dans ses travers

Ses folies, ses manies; c'est un régal qui dessine les traits de caractère

Pourtant les injonctions, comme "tiens toi à carreaux"

Nous forcent à, nous intiment d'endosser l'uniforme

Et de ce fait ériger nos barreaux, au revoir la fête et bonjour les normes

Que tout s'aplanisse et que règne l'ordre

Tout ce qui dépasse en ligne de mire

Ils détestent toute cette vie qui déborde

Quand le coeur est grand que la joie transpire

Petits travers, anomalies, imperfections, étourderies

Font le volume et le piquant de qui les porte flamboyant

Petits travers et gros défauts, vrais décalages, profond chaos

Font le piquant et le volume de qui les choisit pour costume

Faut-il pour trouver le droit chemin, se tracer une ligne de conduite

Et puis tirer un trait mine de rien, en travers de ce qui nous discrédite

Mais non bien sûr, emplissons nous la panse de débordements, à bas la vie lisse!

Menons la vie dure à la bienséance, préférons plutôt l'itinéraire bis

Se perdre en route dans les idées tordues

Un mal pour un bien car c'est un cadeau

Crier ces mots "le monde est flou vois tu!"

Fait s'estomper les contours du tombeau

Pour éviter d'aller droit dans le mur

Prenons le pli d'arrondir les angles

Et laissons sur le disque les rayures

Les défauts qui rendent la vie gourmande

Petits travers, anomalies, imperfections, étourderies

Font le volume et le piquant de qui les porte flamboyant

Petits travers et gros défauts, vrais décalages, profond chaos

Font le piquant et le volume de qui les choisit pour costume

Les grossièretés inadaptées, l'étrangeté dévergondée

Le bouquet fourni, de langage fleuri

Les lacunes, les tares, l'absurde et le bizarre

La fantaisie, l'extravagance, les cocasseries, l'incohérence

Trop ceci trop cela

Le pas assez qui se pose là quand l'angoisse prend toute la place

Les divagations uniques, les caprices excentriques

La sensibilité voyante, les émotions criantes

. . . . . . . . . .

C'EST LUI MON GROS 

(Hélène Provost / Mathieu Ramage)

ça s'est fait comme ça, par hasard, quand j'ai voulu me faire la belle

J'ai pu apaiser mes cauchemars en m'accrochant à ses bretelles

Au creux de ses bras de velours, il n'a de cesse de m'enlacer

De lui mon gros, mon p'tit balourd, je n'risque pas de me lasser

Mon régulier, mon bel oiseau, il me met la tête à l'envers

Et quand il me laisse en solo, il m'est fidèle, enfin j'espère

Mais pas besoin d'en faire des tonnes

Ma vibration, mon métronome, c'est lui mon homme

 

ça s'est fait comme ça, par erreur, même si c'n'est pas un Roméo

Bah j'en ai fait mon p'tit quatre heure, c'est bel et bien lui qu'il me faut

Et pourtant j'en avais des touches, et y'en avait des beaux garçons

Mais lui et moi ça a fait mouche, alors tant pis pour les boutons

 

Il réinvente les mélodies pour venir me conter fleurette

En do en sol, des facéties, des harmonies plein la musette

Mais pas besoin d'en faire des tonnes

Il me met dans tous mes états, c'est lui mon gars

ça s'est fait comme une évidence, en un tour de main tu me plais

Faisant valser avec aisance, ces soupirants qui s'essoufflaient

Depuis qu'on s'est mis à la colle, on a essuyé des échecs

Mais à rencontrer des bémols, on a appris à faire avec

à s'effleurer du bout des doigts, à s'encanailler en chansons

Assez parlé, c'est juste toi, boîte à boutons, boîte à frissons

Et pas besoin d'en faire des tonnes

Celui qui me colle à la peau, c'est lui mon gros

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